Dollar faible, immobilier solide
Le dollar a-t-il perdu le sourire? Ce que l’on appelle le «sourire du dollar» (dollar smile) fait référence au phénomène selon lequel la monnaie américaine a tendance à s’apprécier dans les périodes économiques extrêmes, que les marchés soient très dynamiques ou déprimés. En revanche, en période neutre, il reste plutôt en retrait. Nous sommes actuellement tout proches de l’un de ces extrêmes: les marchés boursiers atteignent de nouveaux sommets alors que de nouveaux droits de douane et des données économiques défavorables alimentent l’incertitude.
Le fait est que le dollar s'affaiblit. Au premier semestre, l’indice du dollar américain (DXY) a perdu environ 9% par rapport aux autres devises, et Morgan Stanley prévoit une nouvelle baisse de 9% pour l’année à venir. L’euro pourrait ainsi se situer à 1.25 dollar et la livre à 1.45 dollar à la mi-2026.
La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a également été surprise par le comportement inhabituel du marché. Elle a noté que, depuis 1970, quelque 34 crises de la dette souveraine et crises financières s’étaient produites en parallèle. Pourtant, les Etats-Unis ont été épargnés par ces crises jumelles. Cependant, depuis l’annonce des tarifs douaniers, le 2 avril dernier, cette règle a changé puisque le billet vert, les obligations d’Etat et les actions se sont alors effondrés simultanément. «Dès lors qu’il y a une incertitude entourant la stabilité du cadre juridique et institutionnel, il y a inévitablement des conséquences sur l’utilisation d’une monnaie», a-t-elle déclaré.
Une base solide
Malgré ces faiblesses, le dollar reste une monnaie dominante. Il représente plus de la moitié des réserves de change mondiales, domine les paiements mondiaux et reste la pierre angulaire des marchés financiers internationaux. Cependant, la perte de lustre et les vents contraires auxquels le billet vert est confronté mettent en évidence la nécessité d’une large diversification.
C’est précisément dans cette phase de marché que l’immobilier européen présente de nombreux avantages. Non seulement ces actifs sont libellés uniquement en monnaies européennes, qui devraient s’apprécier par rapport au dollar, mais ils génèrent également des revenus stables sous forme de loyers dans ces monnaies. Cela devient de plus en plus important, dans la mesure où la forte baisse des taux d’intérêt en Europe l’année dernière a lourdement pesé sur les rendements des fonds monétaires.
L’immobilier européen jouit en outre non seulement d’une belle attractivité par rapport à d’autres actifs générateurs de revenus, mais il tire également parti de la baisse des taux d’intérêt. Les taux d’intérêt peu élevés ont un effet positif sur les taux de capitalisation, qui expriment le rendement attendu des biens immobiliers. La baisse des taux d’intérêt joue souvent en faveur des taux de capitalisation et donc des rendements. La BCE a réduit ses taux d’intérêt pour la huitième fois en un an, la dernière baisse étant de 0,25 point de pourcentage, à 2%. Avec une inflation inférieure à 2%, la situation s’avère ainsi favorable au marché immobilier local.
Les investisseurs ont intérêt à privilégier les biens immobiliers pour lesquels il existe un déséquilibre local entre l’offre et la demande.
Les récents développements en Suisse confirment cette théorie. La Banque nationale suisse (BNS) a ouvert la voie en réduisant ses taux d’intérêt en 2024, ce qui a entraîné une hausse de 20% de l’indice SXI Real Estate Funds Broad, qui reflète les investissements immobiliers suisses cotés en bourse. Compte tenu du fait que la BCE et d’autres banques centrales en dehors de la zone euro adoptent des politiques de taux similaires, il est tout à fait envisageable que les marchés immobiliers européens suivent la même tendance.
Cependant, lors de la dernière baisse des taux, Christine Lagarde a également évoqué la fin du cycle d’assouplissement. Ce qui pourrait limiter l’essor du marché immobilier. Une nouvelle dynamique se dessine toutefois: les taux d’intérêt pourraient augmenter, baisser ou rester stables. Si, contre toute attente, la politique monétaire devait se retourner à la hausse, les investisseurs profiteraient du renforcement de l’euro. Cependant, il est plus probable que la BCE adopte une politique de taux d’intérêt stable, auquel cas la performance positive de l’immobilier sera obtenue par la création active de valeur et les revenus locatifs. En conséquence, les effets sur les taux de capitalisation seraient renforcés.
L’art de la sélection
Bien sûr, il y a aussi des risques. Les personnes qui investissent dans l’immobilier européen doivent opérer une sélection avec soin afin d’éviter les déconvenues. L’emplacement et le secteur d’activité constituent des facteurs décisifs, en particulier dans un contexte économique difficile.
La forte incertitude qui pèse sur le commerce transatlantique, par exemple, exige également de la prudence pour les biens immobiliers qui dépendent fortement de la production automobile, comme c’est le cas dans la région de Wolfsburg, pour ne citer que cet exemple. En outre, la durabilité est un thème central, ce qui explique que les biens immobiliers présentant un mauvais bilan énergétique soient confrontés à des difficultés. Les investisseurs devraient donc se concentrer sur les biens immobiliers robustes, pour lesquels il existe un déséquilibre local entre l’offre et la demande.
C’est par exemple le cas de l’immobilier résidentiel dans des villes comme Stockholm, dont la croissance démographique dépasse nettement celle des logements disponibles, et ce depuis plusieurs années. Aux Pays-Bas, centre de transbordement central pour le transport de marchandises européen, les espaces logistiques pour le «dernier kilomètre» offrent des opportunités attrayantes en raison du manque de terrains constructibles et d’une forte demande issue du commerce en ligne.
«Le changement peut toujours donner lieu à des opportunités» a déclaré Christine Lagarde, présidente de la BCE, dans un récent discours. «Compte tenu des transformations en cours, le moment semble venu pour l’euro de jouer un rôle plus important au niveau international. C’est une excellente occasion pour l’Europe de prendre davantage en main son propre destin. Il ne s’agit toutefois pas d’un privilège qui s’offrirait à nous. Nous devons le mériter.»
De même que rien n’est gagné d’avance pour l’euro, le rendement pour les investisseurs immobiliers ne tombera pas du ciel.