Ermira Marika – L’art de naviguer à vue
Pour Ermira Marika, Equity Partner et Head of Developed Markets Credit chez Pictet Asset Management, cette phrase est particulièrement parlante. «Je suis née juste avant la sortie de ce morceau, et j’ai depuis compris que parfois, ne pas avoir le luxe de choisir peut s’avérerle meilleur des cadeaux pour l’avenir.»
Née à Tirana (Albanie), Ermira a quitté le sud-est de l’Europe pour la Suisse avec sa famille à l’âge de 15 ans, pour s’installer à Berne, où elle a été scolarisée au gymnase de Kirchenfeld. «Je me suis beaucoup plu là-bas et le programme d’intégration des élèves étrangers était excellent. J’ai rapidement appris I’allemand et le français, puis je me suis rendu compte que ne pas parler le suisse allemand allait être un frein pour me faire des amis, alors je l’ai aussi appris, pour mieux m’intégrer.»
Difficile de savoir si c’est l’inné ou l’acquis qui a le plus d’influence, mais le système scolaire albanais privilégiait nettement les matières scientifiques. L’éducation d’Ermira a par conséquent surtout été marquée par la logique. Avoir une approche rationnelle vis-à-vis de l’école, et plus tard des études supérieures, était donc naturel pour elle. Inscrite à l’Université de Genève, elle a décroché un bachelor en Business Administration, puis un master en finance. «Je n’avais pas de projets d’avenir très précis. J’ai bien pensé à l’histoire de l’art, ayant été inspirée par plusieurs disciplines artistiques différentes au fil des années. Mais j’ai réalisé que cette voie n’était pas vraiment faite pour moi et ai donc choisi d’étudier la finance. Mon parcours peut sembler atypique, mais pour moi, l’art et la finance ne sont pas si éloignés l’un de l’autre: dans les deux cas, il faut fairepreuve de créativité pour réussir.»
Après plus de 20 ans chez Pictet, je suis très reconnaissante et je souhaite contribuer à l’épanouissement d’une nouvelle génération, qui pense autrement et investit peut-être mieux; ce sont des entrepreneurs créatifs!
Après son master, Ermira a rejoint Pictet en tant que stagiaire au sein de l’équipe Quantitative Equities. Pendant longtemps, elle a cru qu’elle avait simplement eu de la chance d’être recrutée chez Pictet, mais en réalité, c’était pour une raison bien particulière. «Pendant mon entretien, nous avons très peu parlé de finance, ce qui m’a étonnée. Gérard Huber, qui dirigeait le service à l’époque, m’a interrogée sur mes racines (culturelles) et mes points de repère. Ce n’est qu’une fois retraité, bien des années plus tard, qu’il m’a révélé la vraie raison de son choix: il cherchait quelqu’un de différent, non pas en termes de sexe ou d’appartenance ethnique, mais de diversité d’horizon et de pensée. Selon lui, réunir des personnes aux parcours atypiques au sein d’une même équipe serait source de créativité et, à terme, constituerait un bon investissement et un avantage. J’y pense encore aujourd’hui quand je choisis des collaborateurs.»
Au bout d’un an, elle a intégré l’équipe chargée des obligations en tant qu’analyste, spécialisée dans les obligations en francs suisses, et près de huit ans après, en 2013, elle a pris la tête de l’équipe. «Pour certains, les obligations, surtout en francs suisses, c’est monotone et moins intéressant que d’autres sujets, comme les actions. Mais je ne vois pas du tout ça comme ça. Au contraire, je pense que l’investissement peut être créatif. Il faut mettre les choses en perspective, avoir une réflexion conceptuelle et bien comprendre le passé pour pouvoir innover et créer quelque chose de nouveau.»
La capacité d’Ermira à s’adapter et à se remettre en question a joué un rôle essentiel dans sa réussite, dans un environnement aussi concurrentiel que l’investissement obligataire. «Après toutes ces années, je considère que la finance peut (et doit) mobiliser des compétences techniques et humaines très diverses, acquises au fil du parcours personnel de chacun. L’objectif, c’est d’obtenir de meilleurs résultats aussi bien en termes d’innovation dans le processus d’investissement, de croissance de l’activité, de dialogue avec les clients que de méthodes d’encadrement.»
L’équipe de 26 collaborateurs que dirige Ermira compte CHF 26 mia d’actifs sous gestion, toutes stratégies de crédit confondues. Pour diriger et mobiliser les autres, elle allie réflexion et empathie. Quel conseil donnerait-elle à la jeune Ermira? Sans hésiter, elle répond: «Prends le temps de profiter du voyage et n’hésite pas à faire appel à ceux qui t’entoure. J’adore ce que je fais, car il faut constamment concilier structure et créativité. Mais le faire aux côtés d’une aussi bonne équipe, c’est encore mieux. Après plus de 20 ans chez Pictet, je suis très reconnaissante et je souhaite contribuer à l’épanouissement d’une nouvelle génération, qui pense autrement et investit peut-être mieux; ce sont des entrepreneurs créatifs!»