Le nouveau visage de la philanthropie

Le nouveau visage de la philanthropie

Au printemps dernier, après une semaine de silence radio, le téléphone de Christoph Courth se met soudain à sonner sans arrêt.

Une nouvelle forme de don: l’éclairage de Pictet

Ancien conseiller dans le domaine de la philanthropie pour des familles fortunées de Los Angeles, il est alors submergé par les appels de clients désireux de mettre leur patrimoine au service de la lutte contre le Covid-19. D’abord axés sur les équipements de protection pour les personnels de santé en première ligne, les efforts porteront ensuite sur le développement d’un vaccin, puis sur d’autres enjeux: accès à la santé, violences domestiques, fracture numérique et école à la maison.

«De notre façon de travailler à nos relations aux autres, la pandémie a balayé toutes nos certitudes, résume Christoph Courth, responsable des services de philanthropie de Pictet Wealth Management à Genève. Et c’est la même chose pour la philanthropie.» L’année écoulée a forcé les philanthropes à agir vite. L’exemple le plus impressionnant? MacKenzie Scott (anciennement Bezos) a donné 6 milliards de dollars en 2020, essentiellement à des petites organisations caritatives. «En quelques mois, écrit le New  York  Times, Mme Scott a bouleversé la philanthropie classique.»

Christoph Courth
Responsable de la philanthropie,
Pictet Wealth Management

Pour Christoph Courth, ce niveau d’agilité et de réactivité est une excellente nouvelle pour la philanthropie, «Ça témoigne d’une véritable confiance en sa capacité et en celle de ses conseillers à évaluer, et à choisir les bonnes organisations, explique-t-il. Ce que ses choix disent, c’est: “c’est vous les experts, pas moi. Je vous donne de l’argent, faites ce que vous jugez nécessaire avec”.»

Si cela peut sembler un peu désinvolte, c’est une attitude qui reflète un truisme de la philanthropie: «Sur le fond, tout est une question de relations humaines». Et les relations peuvent être saines ou malsaines: Christoph Courth recommande par exemple aux clients d’éviter les relations de type bienfaiteur/bénéficiaire, car elles sont intrinsèquement déséquilibrées. Mieux vaut opter pour «un partenariat, où chaque partie a des compétences, des ressources et des outils différents, mais un but commun».

Les grands bailleurs de fonds ne sont pas forcément de bons philanthropes

C’est ce déséquilibre entre philanthropes et entités à but non lucratif qui est à l’origine de nombreux échecs passés. Christoph Courth évoque ainsi l’exemple d’un célèbre donateur qui a tenté, il y a une dizaine d’années, d’aider les écoles de Newark, dans le New Jersey. Vertement critiqué par le maire de la ville, le projet a échoué notamment parce que les gens sur le terrain, les enseignants, les élèves, les élus locaux, personne n’avait été consulté, on ne leur avait pas demandé de quoi ils avaient besoin.

Rien de très étonnant, pourtant, quand on sait que les grands bailleurs de fonds sont très rarement formés à la philanthropie. «Ils ont beau avoir des carrières impressionnantes, ce ne sont pas forcément d’excellents philanthropes, explique Christoph Courth, parce que ce sont des compétences et un état d’esprit très différents.»

De ses années à conseiller des philanthropes et à travailler pour des organisations caritatives, il a appris une chose: le succès de la philanthropie est difficile à mesurer. Il faut aussi comprendre que les résultats positifs ne viennent pas toujours d’où on les attend. «On peut aborder un problème de multiples façons et, très souvent, ce ne sont pas les solutions les plus séduisantes qui sont les plus efficaces, résume-t-il. Ce n’est pas tout noir ou tout blanc, il n’y a pas réponse facile: c’est à la fois une science et un art.»

Ce constat est particulièrement vrai dans les arts et la culture, un secteur souvent soutenu par des philanthropes parce qu’il touche à la vie quotidienne. «Il y a un grand sentiment de proximité, souligne Christoph Courth. Une relation affective avec les musées, les opéras ou les galeries d’art, avec les artistes qu’on rencontre. Difficile de rester neutre.» Si cette proximité fait naître la passion dont la philanthropie a besoin, elle peut compliquer l’objectivité, d’autant que, par nature, l’art et la culture ne sont pas quantifiables.

Peut-on mettre un prix sur la bonne culture? Et qu’est-ce que la «bonne» culture, d’ailleurs?

Quand on soutient l’éducation dans un pays en développement, on s’attend à recevoir des statistiques sur le taux d’assiduité ou les résultats des élèves. Difficile, en revanche, de chiffrer l’intérêt d’un opéra ou d’une galerie d’art, alors que ces institutions ont plus que jamais besoin d’aide.

La distanciation sociale et les mesures de confinement ont plombé les ventes de tickets, mais elles ont aussi mis un coup d’arrêt aux galas, dîners de bienfaisance et autres levées de fonds. C’est l’une des raisons pour lesquelles les philanthropes doivent penser à l’après-pandémie. «Je conseille souvent à mes clients de ne pas oublier les organisations qu’ils ont soutenues jusqu’à présent, et notamment les institutions culturelles, souligne Christoph Courth. Seules, elles n’y arriveront pas, et quand la pandémie aura disparu et qu’on retrouvera une vie normale, elles auront disparu pour de bon.»

Certains disent que l’on vit un nouvel âge d’or de la philanthropie et que la pandémie et ses répercussions ont galvanisé les familles fortunées. Christoph Courth distingue plusieurs tendances intéressantes pour 2021 et après. Le retour du changement climatique sur le devant de la scène philanthropique, par exemple, une tendance «qui existait déjà mais qui a été amplifiée par la pandémie». Il est également convaincu que, désireux de forger des relations fondées sur l’égalité et la collaboration, les philanthropes seront de plus en plus nombreux à faire preuve de la même confiance et de la même humi-lité que MacKenzie Scott.

Autre élément vraiment motivant: la profonde volonté des philanthropes de s’attaquer aux problèmes contemporains: «Ils sont prêts à prendre des risques, à échouer, à en tirer les leçons et à aller de l’avant.» C’est ce qu’il nous faut pour tourner la page de la pandémie et construire un monde meilleur.

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