Comment tracer son propre chemin et rester fidèle à soi-même – le parcours de Géraldine Sundstrom
«J’ai vite réalisé que les sciences politiques n’étaient pas vraiment faites pour moi. En revanche, j’y ai découvert l’économie, et ça m’a tellement plu que j’ai changé de cursus.» C’est donc après des études en économie à l’Université Paris Dauphine suivies d’un master en finance à Londres, que Géraldine débute sa carrière en 1996 dans la salle des marchés d’une grande banque scandinave. Par la suite, elle s’oriente progressivement vers l’asset management, d’abord dans le domaine de l’intelligence artificielle. Son rôle consiste alors à développer des modèles pour investir sur les marchés financiers en utilisant l’intelligence artificielle, qui n’est à ce moment-là pas encore capable d’apprendre par elle-même. «Il fallait vraiment télécharger son cerveau d’économiste dans une machine, en faisant attention de ne pas lui inculquer de biais.» Après deux années intenses à développer des modèles, Géraldine ressent l’envie de mettre en pratique les résultats de ses recherches.
C’est ainsi qu’en 2000, elle est recrutée par Citigroup dans un service de hedge fund, pour utiliser les modèles qu’elle a développés afin de prendre des décisions d’investissement. Ironie du sort, Géraldine se retrouve la seule femme au sein de son équipe, les hedge funds étant un milieu encore très masculin à l’époque. Elle parvient néanmoins à trouver sa place dans cet univers et très vite, elle se spécialise dans les marchés émergents, alors marqués par de multiples crises financières.
«Dans ces pays, de nombreuses organisations avaient fait défaut sur des montants colossaux, et nous avions la possibilité d’acheter leurs obligations sur le marché secondaire à des prix extrêmement bas. Mais Internet en était à ses débuts, et il était difficile de trouver les renseignements nécessaires pour évaluer ces opportunités. Il fallait aller les chercher en personne.»
Géraldine est donc envoyée dans ces pays émergents à de nombreuses reprises pour récolter plus de données, pour négocier le remboursement d’une dette, et même pour vérifier sur le terrain que l’entreprise en question existe réellement. Ces missions sont souvent périlleuses, et avec son jeune âge et son manque d’expérience, Géraldine a un profil très différent de ce à quoi ses interlocuteurs sont habitués. Jamais elle ne cherchera à masquer cette différence, au contraire. «Je n’ai jamais eu peur, du haut de mes 25 ans. J’ai toujours assumé qui j’étais, et j’osais dire les choses telles qu’elles étaient. C’est devenu ma force, et c’est grâce à cela que j’ai pu obtenir les précisions dont j’avais besoin.»
Réconcilier tous ces rôles est loin d’être facile, mais je pense qu’il faut trouver ce qui nous convient, et ne surtout pas culpabiliser d’être qui on est.
Cette volonté de rester fidèle à elle-même, Géraldine l’a cultivée tout au long de sa carrière. Cela lui a permis d’avoir de nombreux sponsors, qui ont su reconnaître la valeur de son style unique. Grâce à leur soutien, elle a pu faire son chemin dans le milieu des hedge funds, d’abord dans la recherche puis en tant que gestionnaire.
En 2010, alors qu’elle travaille chez Brevan Howard à Londres, Géraldine suit plusieurs associés de la société à Genève, où de nombreux hedge funds se sont récemment installés. Elle qui avait quitté à 18 ans la tranquillité de son village d’origine dans le Jura français retrouve avec bonheur les avantages d’un environnement plus calme et proche de la nature.
Après cinq belles années passées en Suisse, elle refait ses valises pour la capitale britannique en 2015 afin de rejoindre PIMCO, l’un des plus grands gestionnaires d’investissements. Pendant deux ans, la famille de Géraldine s’installe donc à nouveau à Londres. Mais la ville n’est pas idéale pour les enfants, qui regrettent la vie qu’ils avaient en Suisse. En 2017, son mari et ses enfants décident de retourner à Genève, afin de profiter d’un cadre plus propice au développement des enfants. Géraldine voyage entre les deux villes pendant de nombreuses années, s’efforçant de concilier du mieux qu’elle peut sa vie de famille et sa carrière. Pendant plus de neuf ans, elle occupe les fonctions de managing director et de portfolio manager chez PIMCO. Cette étape marque un premier tournant de sa carrière vers une gestion multi-asset plus traditionnelle.
En 2024, elle ressent le besoin de se rapprocher de sa famille et de là où elle a grandi, et rejoint Pictet Wealth Management à Genève, en tant que Head of Investment Offering. Un nouveau virage professionnel, cette fois-ci vers le domaine du wealth management. Aujourd’hui, elle co-dirige la plateforme d’investissement de PWM, en étroite collaboration avec César Pérez Ruiz, Head of Investments & CIO chez PWM. «Mon rôle consiste à faire le lien entre le comité d’investissement et le front, soit les banquiers et les investment specialists, qui sont à l’écoute des besoins des clients au quotidien. Je m’efforce de prendre en compte les signaux en provenance des deux côtés, afin que notre offre de produits réponde à la fois aux tendances des marchés et aux demandes des clients.»
Trouver cet équilibre a été un combat de tous les instants pour moi. J’avais l’impression d’échouer sur tous les tableaux – d’être une mauvaise mère, une mauvaise épouse, et une mauvaise employée. Jusqu’au jour où j’ai compris que si je n’avais pas fait cette carrière, j’aurais probablement été une moins bonne mère et une moins bonne épouse, parce que je n’aurais pas été épanouie.
Contrairement à ses expériences précédentes auprès des clients institutionnels, les clients privés ont des besoins différents et une connaissance très variable de la finance. «Dans le domaine du wealth management, on est beaucoup plus proche du client final. Notre discours doit donc être accessible à tous. C’est tout l’art de simplifier un message au maximum sans en perdre la complexité.»
En parallèle de son travail, Géraldine soutient également l’éducation. Depuis 2013, elle finance des bourses pour des élèves venant de milieux défavorisés ou qui souhaitent se réorienter en suivant des cours du soir à Birkbeck College, où elle a elle-même effectué son master. «Pendant mes études, je n’avais pas beaucoup de moyens, et ces cours m’ont permis de travailler la journée pour subvenir à mes besoins tout en poursuivant mon apprentissage le soir» raconte-t-elle. «Pour moi, chacun devrait pouvoir réorienter sa carrière s’il le souhaite, sans que des contraintes financières ne soient un obstacle.» Elle a aussi été nommée fellow du Birkbeck College en 2017, ce qui lui permet d’être consultée sur certaines décisions, telles que le développement des cours en ligne ou l’intégration des questions de durabilité dans le cursus.
Malgré sa confiance inébranlable, Géraldine fait face aux mêmes difficultés et doutes que toutes les femmes qui essaient de jongler entre vie professionnelle et familiale. «Trouver cet équilibre a été un combat de tous les instants pour moi. J’avais l’impression d’échouer sur tous les tableaux – d’être une mauvaise mère, une mauvaise épouse, et une mauvaise employée. Jusqu’au jour où j’ai compris que si je n’avais pas fait cette carrière, j’aurais probablement été une moins bonne mère et une moins bonne épouse, parce que je n’aurais pas été épanouie. Réconcilier tous ces rôles est loin d’être facile, mais je pense qu’il faut trouver ce qui nous convient, et ne surtout pas culpabiliser d’être qui on est.»
C’est là la leçon à retenir du parcours de Géraldine: être fidèle à soi-même, ne pas se conformer aux attentes des autres, et trouver son équilibre en faisant confiance à son instinct.