La performance à long terme des actions et des obligations suisses - Commentaire d’experts

La performance à long terme des actions et des obligations suisses - Commentaire d’experts

En Suisse, l’inflation a atteint un pic en août 2022, puis s’est progressivement tassée au cours de l’année 2023. Confrontée à une augmentation des prix moins forte qu’ailleurs, la Banque nationale suisse ne devrait ainsi que légèrement réduire ses taux en 2024.

Après avoir enregistré en 2022 l’une de leurs moins bonnes performances annuelles depuis un siècle, les portefeuilles suisses 60/40 (60% d’actions/40% d’obligations) ont retrouvé des couleurs en 2023, puisqu’ils ont affiché un rendement comparable à leur moyenne annuelle depuis 1926. Particularité de l’année écoulée, les obligations ont dégagé des performances positives supérieures à celles des actions – ce qui ne s’est produit qu’à six reprise au cours des 98 années de hausse des actions.

Si l’on considère les deux classes d’actifs séparément, les actions suisses ont enregistré en 2023 des rendements nominaux inférieurs à leur moyenne à très long terme (depuis 1926), mais les rendements annuels moyens pour les investissements initiés au cours des 7 à 15 dernières années demeurent assez proches de la moyenne à très long terme. Un investissement à 10 ans en actions suisses initié en 1926 n’aurait dégagé une performance annuelle négative qu’à trois reprises au cours des 98 années qui ont suivi, et à chaque fois en raison de facteurs en lien avec la crise de 1929. Par ailleurs, aucun investisseur qui aurait conservé son placement initial en actions suisses pendant au moins 14 ans n’aurait accusé de pertes depuis 1926, selon notre analyse.

Malgré leur surperformance, les obligations de la Confédération n’ont pas connu en 2023 une année exceptionnelle en termes de performances nominales, et encore moins en termes de performances réelles (ajustées de l’inflation). Même si elle est généralement bien moins volatile que celle des actions, la performance annuelle moyenne de ces instruments en termes nominaux depuis 1926 est d’env. 50% inférieure à celle des actions (4,0% contre 7,7% en francs suisses). Et l’écart est encore plus marqué en termes réels: les actions helvétiques ont généré un rendement de 5,6% en moyenne en termes réels depuis 1926, contre 2,0% pour les obligations. Sur la base d’hypothèses généreuses prenant en compte des coûts de portefeuille variables, la valeurd’un investissement en actions suisses de CHF 1000 effectué en 1926 aurait atteint fin 2023 plus de CHF 880’000. Une performance annuelle de 7,7% en 2024 et 2025 – soit un niveau proche de l’actuelle moyenne à long terme – porterait cette valeur à CHF 1 million 100 ans après l’investissement initial pour les actions suisses.

Même si elles ont sous-performé les obligations suisses l’an dernier, les actions helvétiques demeurent le placement de choix dans une optique de très long terme.

L’inflation en Suisse reste faible en comparaison internationale

Pendant trente ans, soit depuis le début des années 1990, les taux d’intérêt à long terme sont restés orientés à la baisse en Suisse, principalement en raison de la désinflation. Mais au milieu de l’année 2021, la crise énergétique, la perturbation des chaînes d’approvisionnement dans le sillage de la pandémie et les mesures de relance ont mis fin à cette longue période de tassement des taux et contribué à une forte accélération de l’inflation dans les pays développés, Suisse incluse. La hausse des prix a toutefois été plus modérée en Suisse que dans la zone euro ou aux Etats-Unis, grâce à différents facteurs. D’abord, la fermeté du franc, qui a permis de réduire l’inflation importée. Ensuite, la plus faible dépendance de la Confédération au gaz naturel (en grande partie importé de Russie), les besoins d’électricité du pays étant presque entièrement couverts par l’énergie hydraulique et le nucléaire. Enfin, un contrôle des prix sur une plus vaste gamme de produits et de services que dans les pays de la zone euro.

Depuis son pic à 3,5% en août 2022, l’indice des prix à la consommation s’est sensiblement tassé et s’inscrit aujourd’hui dans la fourchette cible de la Banque nationale suisse (BNS), «sous la barre des 2%». Selon nos anticipations, l’inflation devrait s’établir à 1,7% en moyenne en 2024. Les perspectives sur ce front demeurent toutefois très incertaines et la hausse des prix, tirée par la transition énergétique et le rapatriement des opérations sur le territoire national (re-shoring), pourrait rester supérieure à la moyenne prépandémie de 1% au cours des années à venir.

En renonçant à affaiblir le franc pour au contraire le laisser s’apprécier, la BNS a largement contribué au maintien d’une inflation modérée. Mais aujourd’hui, après la vente de CHF 110 milliards de devises étrangères durant les trois premiers trimestres pour renforcer la monnaie helvétique en 2023, sa priorité n’est plus la même. La banque centrale suisse a amorcé un cycle de resserrement mi-2022, avec une hausse des taux directeurs de 75 pb en juin qui a marqué son premier relèvement en 15 ans. Entre juin 2022 et juin 2023, elle a relevé son taux directeur de 250 pb, pour atteindre le niveau actuel de 1,75%. En 2024, la désinflation progressive conduira les grandes banques centrales, BNS incluse, à s’engager sur la voie d’une détente modérée.

Graphique 1 - Taux des obligations de la Confédération à 10 ans

Sources: Pictet Wealth Management,Refinitiv, au 31.12.2023

Une approche équilibrée un peu plus performante qu’en 2023

A notre traditionnelle analyse des performances à long terme des actions et des obligations suisses, il nous semble intéressant d’ajouter une analyse de la performance à long terme des portefeuilles suisses équilibrés, autrement dit composés de 60% d’actions et de 40% d’obligations. Nos calculs prennent en compte un portefeuille rééquilibré sur une base annuelle, de manière à assurer le maintien d’une allocation 60/40 conforme à nos séries temporelles annuelles.

Avec une baisse de 14,7% en francs suisses, les portefeuilles suisses équilibrés ont enregistré en 2022 leur quatrième moins bonne performance depuis 1926. L’année 2023 a été plus porteuse et s’est soldée par une performance de 6,6% pour le même portefeuille (graphique 2). Cette progression correspond au rendement géométrique annuel moyen d’une allocation équilibrée en actifs suisses au cours des 98 dernières années. Mais ce qui fait de 2023 une année particulière, c’est que les obligations ont surperformé les actions. Historiquement, les secondes surperforment les premières les deux tiers du temps (64% pour être précis). Un chiffre qui correspond parfaitement à l’objectif d’une allocation équilibrée, consistant à profiter du potentiel de hausse des actions, mais aussi (avec un peu de chance) de la protection offerte par les obligations dans les phases de faiblesse des actions. Double particularité de 2023, les actions se sont inscrites en hausse, mais elles ont sous-performé les obligations, ce qui n’est arrivé qu’à six reprises depuis 1926, soit une probabilité inférieure à 9%. Ainsi, même si les actions demeurent le placement de choix sur le long terme, force est de constater qu’elles ne dégagent pas toujours les meilleures performances. Même les plus belles roses ont des épines…

En termes réels, ajustés de la hausse générale des prix, un portefeuille suisse 60/40 aura affiché en 2023 une performance de 4,8%, à peine supérieure à la moyenne géométrique à long terme de 4,6%.

Graphique 2 - Répartition de la performance d'un portefeuille 60/40 depuis 1926

Source: Pictet Wealth Management, FactSet, as of 31.12.2023

2023, une année correcte, mais pas exceptionnelle, pour les obligations suisses

Avec une performance nominale en francs suisses de -12,1%, les obligations suisses (d’Etat et d’entreprise investment grade) ont connu en 2022 leur pire année à ce jour. Elles ont retrouvé des couleurs en 2023, enregistrant une performance totale nominale de 7,4% qui en fait la douzième meilleure année en 98 ans pour les obligations suisses (graphique 3). Mais si l’on prend en compte la flambée de l’inflation dans le sillage de la pandémie, le rendement réel tombe à 5,6%, ce qui relègue la performance des obligations suisses en 2023 près du deuxième quartile des performances réelles depuis 1926.

Graphique 3 - Meilleures performances nominales des obligations suisses depuis 1926

Source: Pictet Wealth Management, FactSet, as of 31.12.2023

Actions suisses : le bon moment ou pas?

Si l’on se réfère au Swiss Performance Index (SPI), les actions suisses ont affiché une performance nominale totale de 6,1% en 2023, sensiblement inférieure à la moyenne géométrique de 7,7% depuis 1926. Le graphique 4, qui reflète les performances annuelles moyennes des actions suisses entre 2009 et 2023, représente un fragment d’une série beaucoup plus importante (téléchargeable à l’adresse: https://www.pictet.com/ch/fr/corporate-news/historical-performance-shares-bonds-in-switzerland). La dernière ligne du graphique montre le rendement annuel en CHF des investissements initiés chaque année jusqu’à fin 2023. Si l’on se focalise sur les périodes de détention de 7 à 15 ans jusqu’à fin 2023, la performance moyenne des actions suisses n’est pas loin de la moyenne à long terme de 7,7% depuis 1926. Les rendements des périodes de détention les plus tardives sont légèrement faussés par la faible performance des actions en 2022.

Graphique 4 - Performances annualisées en CHF des actions suisses sur les 15 dernières années (extrait du tableau des performances annuelles à long terme compilé par Pictet Wealth Management)

Source: Pictet Wealth Management, FactSet, as of 31.12.2023

Une forte baisse des actions est toujours stressante. Mais comme ces chiffres en témoignent, il ne faut jamais négliger la capacité de ces actifs à se redresser après une correction. Lissé sur une longue durée, l’impact des fortes baisses tend à se dissiper. Un investisseur malchanceux en actions suisses, dont l’horizon de placement est de cinq ans, aurait été confronté à une performance totale négative à 14 reprises au cours des 98 ans écoulésentre 1926 et 2023, et ce en raison detrois événements majeurs: le crash de Wall Street en 1929, l’éclatement de la bulle internet en 2001 et la crise financière de 2008. Mais dans le même laps de temps, un investisseur disposant d’un horizon de placement à 10 ans n’aurait enregistré une performance négative que si l’investissement initial avait été effectué au cours de trois années distinctes depuis 1026, toutes liées à la crise de 1929. Selon notre analyse, aucun investisseur ayant investi dans des actions suisses sur une durée d’au moins 14 ans n’aurait accusé de pertes sur son investissement initial depuis 1926 (le graphique 5 illustre la fourchette de performances des investissements en actions suisses détenus sur une période de 15 ans).  Pour les portefeuilles suisses 60/40, cette durée tombe à 10 ans. Autrement dit, l’adoption d’une approche patiente et rigoureuse au niveau des actions est la meilleure réponse au vieil adage «you can’t time the market». Car certes, les investisseurs ne peuvent pas «prédire l’évolution du marché», mais ils peuvent renforcer la capacité de résistance de leur portefeuille, en optant pour une approche «buy-and-hold» (réinvestissement des dividendes année après année, sans aucune vente).

Graphique 5 - Performances annualisées des actions suisses par période de 15 ans (axe y) et fourchette de performance (axe x)

Source: Pictet Wealth Management, FactSet, as of 31.12.2023

Encore deux ans pour oublier la forte baisse de 2022

Dès lors que les données recensées remontent jusqu’en 1926, nous disposons aujourd’hui d’un historique de rendement annuel deprès d’un siècle. Pour se convaincre de la «magie» de l’effet composé, il suffit de suivre la performance totale qu’aurait enregistré un placement de 1000 francs, investis en actions suisses fin 1925. Dans l’hypothèse d’un réinvestissement des dividendes année après année, sans aucune vente, les 1000 francs initialement investis se seraient transformés, 98 ans plus tard, en un montant de 1,39 million. Bien sûr, ce chiffre ne reflète pas vraiment la réalité, puisqu’il ne tient pas compte des coûts (courtage, droits de timbre, rééquilibrage des portefeuilles, etc.) associés aux placements en actions. Pour prendre ces coûts en considération, nous avons déduit 50 points de base (pb) de notre performance annuelle des actions depuis 1926, soit un résultat final de 876’563 francs en 2023 pour uninvestissement initial de 1000 francs. Afin d’atteindre un rendement sur 100 ans de 1 million de francs net des coûts, il faudrait que la performance annuelle des actions ces deux prochaines années s’approche des 7,7% qui constituent la moyenne annuelle à long terme. La patience paie toujours. Sachant que les rendements s’accumulent au fil du temps, l’horizon de placement des investisseurs peut donc faire toute la différence. La situation n’est pas la même pour les obligations. Ne serait-ce que parce que les indicateurs de risque paraissent moins contraignants: les obligations suisses affichent en effet un écart type (mesure de la volatilité) de 4%, contre 20% pour les actions, avec un drawdown (soit la perte maximale potentielle liée à un investissement effectué au plus haut du marché et vendu au plus bas) également inférieur (12% pour les premières en 2022 et 34% pour les secondes en 2008). Toutefois, bien que les obligations suisses se soient un peu mieux comportées que les actions en 2022 et en 2023, elles présentent des performances annuelles moyennes de près de 50% inférieures à celles des actions si on remonte plus loin – 4,0% depuis 1926, contre 7,7% pour les actions (en francs suisses). En résumé, malgré le repli accusé en 2022, les obligations ont certes démontré leur capacité à réduire le risque des portefeuilles depuis 1926, mais les actions demeurent le placement de choix dans une optique de long terme (graphique 6). Ou, pour dire les choses autrement, la conjugaison d’un horizon de placement à long terme et d’une certaine tolérance au risque justifient une allocation significative en actions.

Graphique 6 - Evolution de la valeur nominale d’un portefeuille en actions suisses, d’un portefeuille en obligations suisses et d’un portefeuille suisse 60/40 comparée à l’indice des prix à la consommation de 1926 à 2022 (base = 100)

Source: Pictet Wealth Management, FactSet, as of 31.12.2023

Les actions offrent de meilleurs rendements réels à long terme que les obligations

Le rendement nominal moyen annualisé (moyenne géométrique) en CHF des actions et des obligations suisses sur 10 ans est aujourd’hui de 7,7% et 4,0%, respectivement. Compte tenu de la correction accusée par les deux classes d’actifs en 2022, ces niveaux sont légèrement inférieurs à ceux relatés en juillet 1998 (à l’occasion de la première actualisation de notre étude des performances à long terme initiale, publiée en 1988), qui se situaient à 8,6% et 4,6%, respectivement.

Avec le retour de l’inflation dans le sillage de la pandémie, les rendements réels (autrement dit, prenant en compte la perte de valeur de l’argent) méritent une plus grande attention qu’auparavant. Le rendement annuel des actions helvétiques entre 1926 et 2023 s’inscrit à 5,6% en termes réels – soit une baisse minime par rapport aux 6,0% enregistrés pour la période 1926-1998. L’écart est plus faible pour les obligations suisses, avec un rendement réel annuel moyen sur 10 ans de 2,0% jusqu’à fin 2023, contre 2,1% fin 1998. Des chiffres qui montrent encore une fois que les actions offrent de meilleurs rendements réels à long terme que les obligations.

Compte tenu de la difficulté à anticiper l’évolution du marché, les actions demeurent le placement de choix à long terme. De bons conseils, associés à une perspective de longue durée, feront toute la différence pour votre patrimoine, tant en termes nominaux que réels.

Conclusion: recommandation inchangée

Comme semble le démontrer l’expérience tirée de nombreuses années de suivi de clients privés et de family offices, le plus grand danger pour un investisseur concernant le rendement total à long terme de ses placements consiste à réduire son exposition au risque en raison d’une performance insatisfaisante à court terme, et d’ainsi passer à côté de la reprise ultérieure du marché. Scénario que les extrêmes atteints ces trois dernières années illustrent parfaitement. Après être remontées en flèche en 2021 au lendemain de la pandémie, les actions et les obligations ont chuté en 2022, dans un environnement marqué par les relèvements de taux des banques centrales en réponse à la flambée de l’inflation. Cette baisse aurait pu décourager les investisseurs. Mais les deux classes d’actifs ont rebondi en 2023 en dépit de nombreux obstacles, taux élevés inclus.

Dans ce contexte, prendre le temps nécessaire à la définition d’une stratégie de placement à long terme réfléchie, solide et viable, ainsi qu’à sa mise en oeuvre, semble d’autant plus judicieux. Or, trop souvent, cette démarche cruciale est reléguée au second plan au profit de considérations perçues comme plus importantes (coûts de la gestion des actifs, du conseil, de l’analyse des performances, etc.).

Compte tenu de la difficulté à anticiper l’évolution du marché, les actions demeurent le placement de choix à long terme. De bons conseils, associés à une perspective de longue durée, feront toute la différence pour votre patrimoine, tant en termes nominaux que réels.

Annexe: d’où viennent nos données?

Notre étude consacrée aux actions et aux obligations suisses se base sur des données remontant à 1926. Publiée pour la première fois en janvier 1988, elle est actualisée chaque année depuis 1998. L’indice Swiss Performance Index (SPI) nous sert de base au calcul des performances des actions depuis 1992. S’agissant des obligations, nous utilisons l’indice Pictet Bond pour le calcul des performances annuelles jusqu’à fin 2003. En2022, pour des raisons de simplicitéet de cohérence, il a été décidé d’utiliser l’indice Swiss Bond Index Total Return AAA-/BBB pour le calcul des performances annuelles à partir de 2004. Ce changement a nécessité l ’ajustement de certaines données historiques relatives aux obligations entre 2004 et2021. Sans incidence sur nos commentaires précédents, il facilitera les prochaines actualisations.

A titre indicatif seulement. Les performances passées ne doivent pas être considérées comme une indication ou une garantie de la performance future. Les performances et les rendements peuvent augmenter ou diminuer sous l’effet des fluctuations monétaires.

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