Principes d’investissement climatique
Pictet considère le changement climatique à la fois comme un défi urgent et une opportunité de construire une économie plus durable. Nous sommes convaincus qu’il aura un impact significatif sur les prix des actifs comme sur les résultats d’investissement ces prochaines années, mais aussi que les décisions d’investissement prises aujourd’hui par les professionnels du secteur – dont nous faisons partie en tant que dépositaires de capitaux mondiaux – auront de lourdes retombées sur l’évolution du climat et sur ses conséquences pour l’environnement.
Les effets du changement climatique sur l’investissement
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A. Répercussions économiques
Aujourd’hui considéré comme une externalité, le changement climatique est amené à être de plus en plus internalisé. Pour ce faire, il faudra faire évoluer la fiscalité, la réglementation, l’innovation et les comportements – des changements qui doivent intervenir dès à présent et pourraient s’étendre sur les cinquante prochaines années.
- Pour améliorer l’efficacité du marché et ainsi contribuer à accélérer la transition vers des activités faiblement carbonées, il faudra recourir à la tarification du carbone, à partir de mécanismes dits market-based tels que les taxes carbone et les systèmes d’échanges.
- En l’absence de tarification adéquate, les investisseurs doivent se montrer attentifs aux risques physiques liés au changement climatique et aux risques liés à la transition vers la neutralité carbone, ainsi qu’à leur impact sur les performances.
- Pour espérer réduire l’impact du changement climatique, il faut multiplier les investissements – publics comme privés.
- Les réformes joueront un rôle déterminant pour accompagner la transition des marchés et des entreprises.
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B. Coût relatif
Les mesures destinées à atténuer l’impact du changement climatique ont un coût certes élevé, mais nettement inférieur à celui de l’inaction.
La complexité et l’incertitude concernant les retombées économiques du changement climatique imposent aux investisseurs d’intégrer la planification des scénarios à leur processus décisionnel, et de réévaluer régulièrement leurs hypothèses climatiques, pour éviter d’avoir une lecture figée d’une réalité en mouvement.
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C. Allocation d’actifs stratégique
L’impact du changement climatique est un risque spécifique qu’il convient d’intégrer à l’évaluation de tous les actifs. La prime de risque concerne l’ensemble du marché de l’investissement, avec des sensibilités différentes à ce facteur selon les classes d’actifs, les secteurs d’activité et les entreprises.
- Il faudra de nombreuses années avant que la prime de risque des émetteurs se stabilise. Ce processus est dynamique, et la faculté à déterminer à quel stade de cette évolution ces investissements se situent constitue une première étape pour identifier les opportunités d’investissement susceptibles de surperformer. A plus court terme, les actifs dits verts pourraient se retrouver surévalués, au même titre que les actifs dits bruns pourraient être sous-évalués.
- Les risques physiques et de transition sont aujourd’hui nettement sous-estimés et sous-valorisés au sein des entreprises. Ils peuvent être cristallisés et engendrer à leur tour des risques relatifs à la responsabilité.
- Aucun système économique n’échappera aux effets d’un changement climatique marqué, un risque qu’il est donc difficile de diversifier ou de couvrir.
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D. Emprunts d’Etat
L’ampleur avec laquelle le changement climatique affecte les emprunts d’Etat varie considérablement d’un pays et d’une région à l’autre. Les économies émergentes sont à ce titre plus vulnérables que leurs homologues développées.
- L’évaluation de la solvabilité des émetteurs souverains doit tenir compte de l’exposition de l’économie concernée aux répercussions physiques du changement climatique, mais aussi de sa capacité à s’adapter.
- L’amélioration de la transparence pour les investisseurs et la capacité des Etats à émettre des obligations intégrant des exigences spécifiques en matière d’utilisation des produits et visant des objectifs de durabilité spécifiques (obligations labellisées) constitue une réelle avancée pour tous, en particulier dans le cas des marchés émergents.
- A court terme, les économies développées pourraient être plus pénalisées par la transition que par les risques physiques – risques dont il est possible de mesurer l’importance en examinant la teneur, la portée et l’inscription dans la loi des objectifs climatiques à moyen et long terme fixés par chaque économie.
- L’engagement sans faille des Etats est plus difficile à obtenir que celui des entreprises, la transition nécessitant des décisions politiques fortes sur le partage des coûts.
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E. Entreprises
Les efforts déployés par les entreprises pour décarboner leurs activités, la qualité de leur gouvernance climatique et leur transparence en matière d’émissions de CO2 joueront un rôle croissant dans la détermination du coût du capital par rapport à la répartition des risques et aux rendements attendus. Les investisseurs en actions et en obligations devront de ce fait se montrer bien plus vigilants avec les critères extra-financiers lorsqu’ils évalueront le potentiel d’investissement d’une entreprise.
- L’impact du changement climatique sur la valorisation des actions et des obligations varie selon le secteur.
- Les risques physiques et de transition affectent les entreprises de différentes manières, au travers des primes de risque, de leur chiffre d’affaires, de leurs flux de trésorerie disponible ou encore de leurs marges.
- Pour identifier les entreprises capables de se décarboner le plus rapidement, les investisseurs doivent acquérir une connaissance fine de la gouvernance, de la stratégie et des projets d’investissement de chacune.
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F. Marchés non cotés
Les classes d’actifs non cotées sont davantage exposées à l’impact du changement climatique, car elles sont bien moins liquides et sont assorties d’une duration plus longue que la plupart des autres investissements.
- De plus en plus, il est nécessaire d’estimer correctement les risques et les opportunités climatiques sur les investissements assortis d’une duration plus longue, comme les actifs privés.
- A ce jour, les private assets ne font pas l’objet d’un examen aussi attentif que leurs homologues cotés et sont soumis à une surveillance très variable. Les réglementations climatiques les concernant sont toutefois vouées à être durcies – bien que de manière inégale en termes de portée et de calendrier – et devraient de ce fait engendrer une réévaluation des fondamentaux de ces instruments.
- Sur les marchés non cotés, les investisseurs disposent aujourd’hui d’un pouvoir et d’un devoir accrus pour susciter le changement, étant donné leur rôle direct d’apporteurs de capital ainsi que le niveau de contrôle qu’ils exercent sur ces entités.
La transition énergétique
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G. Transformation du système énergétique
Pour décarboner le système énergétique, tout en continuant d’en assurer l’approvisionnement et l’accessibilité économique, la transition devra concerner aussi bien l’offre que la demande.
- La suppression progressive du charbon thermique utilisé sans systèmes de dépollution est la priorité si l’on veut réduire les émissions de CO2 liées à l’énergie.
- Pour certaines utilisations spécifiques, la demande de pétrole et de gaz pourrait persister à moyen-long terme.
- Les émissions de méthane dans les activités amont, midstream et aval doivent diminuer nettement pour que le gaz naturel puisse devenir un combustible de transition viable.
- Le nucléaire joue un rôle clé dans l’approvisionnement en charge de base, ce qui devrait se traduire par une augmentation des investissements visant à allonger la durée de vie des centrales existantes et à en construire de nouvelles.
- Dans les secteurs où les changements seront les plus difficiles à mettre en œuvre, malgré une demande énergétique vouée à rester constante, les émissions pourraient diminuer à partir de 2030 grâce à différentes technologies de décarbonation et au recours accru à l’économie circulaire.
- Dans le domaine du transport, la décarbonation concernera d’abord les véhicules de tourisme, grâce à la prolifération des voitures électriques. Et elle sera plus tardive dans le transport de marchandises, qu’il soit routier, maritime ou aérien, qui doit dans un premier temps diminuer sa consommation d’énergie.
- La réduction de l’empreinte carbone est une importante source d’opportunités pour les investisseurs et peut avoir des retombées sociales et environnementales positives.
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H. Leviers et freins
Il faudra aussi bien des capitaux publics que privés pour donner un coup d’accélérateur à l’investissement en faveur de la transition énergétique à moyen terme, et plus particulièrement dans les économies émergentes.
- Les pouvoirs publics doivent donner des assurances aux investisseurs et aux entreprises, par le biais d’engagements adéquats, de politiques, de mesures d’incitations et d’une coopération internationale.
- Il ne pourra pas y avoir de transition énergétique durable sans la participation active des économies émergentes, ce qui nécessitera des politiques adaptées et des flux financiers suffisants pour accélérer l’adoption de technologies propres.
- La fermeture de centrales à charbon récentes dans les pays émergents exigera d’importants investissements publics et privés, et notamment des solutions innovantes, comme le financement mixte ou la titrisation.
- Pour assurer un approvisionnement constant et peu coûteux, il faut absolument miser sur la flexibilité des systèmes électriques, en procédant notamment à la modernisation des réseaux électriques et en trouvant des solutions viables pour stocker l’énergie.
- De lourds investissements sont nécessaires dans le secteur des minéraux essentiels à la transition énergétique, afin de répondre à une demande en hausse, de réduire les risques d’approvisionnement et de raccourcir les délais de livraison.
- Des avancées majeures restent nécessaires pour permettre à d’autres solutions de contribuer réellement à la transition énergétique, par exemple dans l’hydrogène vert, la fusion nucléaire ou encore les technologies de capture, d’utilisation et de stockage du carbone.
Nos avancées en matière de lutte contre le changement climatique
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I. Allocation du capital
La communauté financière influence les retombées du changement climatique par le biais de ses décisions d’allocation du capital.
- Pour inciter les émetteurs à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, nous devons allouer du capital aux sociétés et aux pays qui ont déjà entrepris des efforts en la matière, et mettre en place un dialogue efficace afin de provoquer un effet d’entraînement au-delà de nos investissements.
- De plus, il est nécessaire d’allouer du capital pour favoriser l’essor de sociétés et d’opportunités (et ce, jusque dans les secteurs où les changements seront les plus difficiles à mettre en œuvre) favorisant une économie faiblement carbonée.
- L’exclusion représente un autre type de décision d’allocation du capital, à laquelle il convient de recourir uniquement en cas d’incapacité ou d’absence de volonté des dirigeants de mettre en œuvre la transition.
- La transparence et la publication d’informations nous apportent les données nécessaires pour rééquilibrer nos portefeuilles, et rendre nos décisions d’allocation visibles pour nos clients, pour les autorités de surveillance et pour les investisseurs.
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J. Exercice actif des droits de vote et actionnariat actif
L’exercice actif des droits de vote peut avoir un impact sur les retombées du changement climatique et contribuer à préserver ou à dynamiser la création de valeur pour les actionnaires.
- En apportant notre soutien et en donnant un coup d’accélérateur aux plans de transition par le biais de nos actions de dialogue et d’exercice des droits de vote, nous avons pour volonté de contribuer à limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C au-dessus des niveaux de l’ère préindustrielle, et d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.
- C’est lorsqu’un investisseur met à profit un domaine d’expertise particulier ou lorsqu’il s’inscrit dans une démarche collective que les actions de dialogue sont les plus efficaces. Celles-ci doivent porter sur des aspects ayant un impact significatif sur nos portefeuilles, et pour lesquels nous possédons réellement une expertise, en plus de la capacité à infléchir la tendance.
- Sauf rares exceptions, les investisseurs ont globalement plus de facilité à induire le changement au sein d’une entreprise qu’au sein d’un Etat, en particulier dans les économies émergentes.
- En faisant entendre sa voix sur les enjeux climatiques et en œuvrant aux côtés de pairs partageant les mêmes idées pour stimuler le débat public, Pictet peut contribuer à accélérer la transition – avec des retombées et des opportunités maximisées.