Fairmat innove pour recycler les matériaux avancés

Fairmat innove pour recycler les matériaux avancés

Quand Benjamin Saada a compris comment les composites en fibre de carbone étaient traités en fin de vie, il s’est juré de faire mieux.

Au fond de lui, Benjamin Saada est un ingénieur, un point c’est tout. Le futur entrepreneur a fait ses études aux Mines ParisTech, l’une des plus vieilles universités de France (elle a été fondée en 1783 pour former, comme son nom l’indique, les futurs ingénieurs du secteur minier). Peu après son diplôme, en 2011, il crée sa première entreprise. Baptisée Expliseat, elle conçoit et fabrique le siège d’avion le plus léger au monde, le TiSeat, à base de composites en fibre de carbone. Il dirige aujourd’hui Fairmat, lancée en 2020 pour révolutionner l’utilisation de matériaux avancés de deuxième génération dans l’industrie.

Benjamin Saada a beau afficher deux francs succès entrepreneuriaux en 15 ans, il est toujours aussi enthousiaste quand il parle de la capacité des ingénieurs à résoudre les problèmes, estimant par exemple que les composites en fibre de carbone sont «l’une des plus belles choses que l’ingénierie humaine ait jamais inventées». Ou, évoquant Dassault, l’un des clients de Fairmat: «En termes d’ingénierie, leurs produits sont très impressionnants». C’est un créateur d’entreprise, un patron, oui, mais au fond de lui, il l’avoue, il reste un ingénieur.

Fairmat est d’ailleurs née de sa passion pour la résolution des problèmes. «L’idée est venue de l’expertise et des connaissances que j’avais acquises sur les matériaux avancés et l’environnement», explique-t-il. En dirigeant Expliseat, «très gros consommateur de matériaux avancés», il s’est rendu compte qu’en fin de vie, les éléments en fibre de carbone étaient incinérés ou enfouis. Au même moment, se souvient-il, il voyait dans la presse ces images «choquantes» de «cimetières d’avions et de turbines éoliennes» qu’on ne savait pas recycler efficacement. «J’étais sûr qu’on pouvait trouver une meilleure solution».

Mais plus facile à dire qu’à faire. Car la fibre de carbone est conçue pour résister aux produits chimiques et aux températures élevées, c’est d’ailleurs ce qui en fait un matériau idéal pour les avions et les turbines éoliennes. Conséquence: les méthodes traditionnelles de recyclage (la combustion ou le traitement chimique) ne fonctionnent pas. «Il y avait un profond besoin d’innovation, se souvient-il. Et la possibilité de devenir un acteur important dans ce domaine, de développer une nouvelle solution.»

Et c’est ce qu’a fait Fairmat. «Nous avons des robots dotés de capteurs et de lames qui tranchent la matière en copeaux de quelques microns d’épaisseur», explique-t-il. Pour compliquer le tout, il faut que les coupes soient parfaitement parallèles, sans quoi la performance mécanique n’est plus au rendez-vous. «Et il faut aller vite, parce qu’on traite des milliers de milliards de copeaux tous les ans.» Ce procédé (d’une incroyable technicité, cela va sans dire) permet à Fairmat de conserver intactes les fibres et la résine qui font la force de la fibre de carbone: le produit fini a donc une meilleure performance mécanique qu’avec les procédés de recyclage classiques.

Ce «produit fini», c’est une gamme de matériaux durables, performants et personnalisables que les industriels peuvent acheter et utiliser. En avril dernier, Fairmat a par exemple annoncé un partenariat avec Decathlon, spécialiste des équipements sportifs qui intégrera ses matériaux durables dans ses raquettes de padel à partir de 2024. De fait, selon Benjamin Saada, l’entreprise «se focalise beaucoup sur le matériel sportif» en ce moment parce que les produits sont souvent simples à fabriquer à partir de «plaques de carbone», mais aussi parce que le secteur «est très axé sur la réduction de l’impact environnemental».

La collaboration avec Decathlon souligne aussi un aspect capital pour l’entrepreneur: Fairmat est plus qu’un simple partenaire de recyclage pour les industriels, c’est aussi un partenaire de production. Cela s’est fait de façon plus ou moins spontanée, nombre d’entreprises avec lesquelles Fairmat travaillait n’ayant jamais utilisé de fibre de carbone jusque-là. «Nous avons donc commencé en leur apportant des solutions industrielles», résume-t-il. Outre les matériaux, Fairmat accompagnait les entreprises en phase de création ou de développement. «Et nous avons compris qu’en réalité, nous étions en train d’inventer un écosystème totalement nouveau, basé sur les matériaux de deuxième génération.»

Trois ans après sa création, Fairmat n’en finit plus de grandir. L’entreprise travaille aujourd’hui avec plus de 40 usines en Europe et gère 40% des déchets industriels de polymère renforcé de fibres de carbone du vieux continent. Elle a levé 34 millions d’euros grâce à un financement de série A fin 2022. Et conclu des contrats de collecte des déchets de fibre de carbone avec 15 entreprises, dont Hexcel, Siemens Gamesa et Dassault Aviation. Si le nombre semble modeste, ces 15 entreprises représentent plus de 35% des déchets de composite de fibre de carbone européen.

Pas question pour autant de s’arrêter en si bon chemin: Benjamin voit Fairmat comme «un écosystème mondial multilocal», avec «une déployabilité universelle». Il veut que ses clients puissent disposer de cette solution partout dans le monde, où qu’ils décident de produire aujourd’hui ou demain. La stratégie de croissance vise la conquête de l’Amérique du Nord en 2023, puis l’Asie en 2024. «Il faut être partout», affirme-t-il.

Rien de très étonnant, donc, à ce que l’une des valeurs phares de l’entreprise soit la détermination. Cette qualité, Benjamin Saada la tient de sa famille. Il a une fille, qui n’a pas encore soufflé sa première bougie. «Il y a des choses que je peux faire, comme lui donner une bonne éducation, sourit-il, mais l’air qu’elle respire, c’est l’air qu’elle respire.» L’homme est également de nature optimiste. De plus en plus de solutions positives arrivent sur le marché grâce «à des investisseurs qui vont de l’avant, qui cherchent à avoir un impact, qui ont une conscience écologique». Le greenwashing, lui, est en perte de vitesse parce que les chefs d’entreprises autant que les consommateurs sont de mieux en mieux informés. Pour sa part, il rencontre chaque semaine un capitaine d’industrie qui fait preuve d’une vraie volonté de réduire l’impact environnemental de son entreprise.

Quand il s’agit de Fairmat, l’ingénieur-entrepreneur est encore plus optimiste. Pour lui, l’entreprise a de beaux jours devant elle grâce à deux tendances de fond. «Dans les 50 prochaines années, il faudra recycler l’équivalent de plus de 10 000 milliards de dollars de matériaux et il faudra en vendre pour des centaines de milliards de dollars par an. Nous voulons vraiment faire de Fairmat un acteur majeur, au carrefour de ces deux marchés.»

Pour Benjamin Saada, l’avenir a tout d’une nouvelle révolution industrielle. La première était celle des machines et de la vapeur, rappelle-t-il, la seconde est née du pétrole et du gaz.  «Si nous réussissons à créer un écosystème complet de matériaux de deuxième génération que tout le monde utilise et que cet écosystème grandit encore et encore, nous pourrons peut-être parler de nouvelle révolution.» La différence majeure, souligne-t-il, «c’est que cette fois, la planète passera en premier».

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