Avec Sweep, Rachel Delacour n’a pas de temps à perdre

Avec Sweep, Rachel Delacour n’a pas de temps à perdre

La cofondatrice et directrice générale de la plateforme française de gestion du carbone veut prouver qu’on peut créer de la valeur pour les investisseurs et les collaborateurs, tout en protégeant la planète.

Rachel Delacour a vendu BIME Analytics au Californien Zendesk en 2015. Six ans plus tôt, elle avait lancé sa première société avec Nicolas Raspal pour aider les entreprises à utiliser les données pour optimiser l’expé-rience client. Fait plutôt rare pour une fondatrice, elle a continué d’y travailler pendant plus de trois ans. «C’était super, se souvient-elle, mais quand on est entrepreneur, je crois qu’on a besoin de faire les choses par soi-même.» 

C’est ainsi qu’est née Sweep, une plateforme logicielle qui aide les entreprises à comprendre, gérer et réduire leur empreinte carbone. Pour Rachel Delacour, la motivation était très personnelle. «On est parents de jeunes enfants, donc on voulait travailler sur un sujet qui nous angoisse beaucoup: le changement climatique.» Se disant qu’il était un peu tard pour reprendre des études scientifiques, le duo a décidé de s’appuyer sur son expérience dans les logiciels B2B (professionnels pour professionnels): sa connaissance du big data (mégadonnées), de l’architecture distribuée et des SaaS (logiciels en tant que service), son réseau de partenaires financiers et son réservoir de talents internationaux. «On s’est dit qu’on allait s’engager à fond dans cette voie pour essayer d’enrayer le changement climatique.» 

Première étape: faire appel à leur réseau de dirigeants de grandes entreprises pour leur demander quels étaient leurs plus gros défis en matière d’émissions. Un consensus fort a alors émergé: tous ces groupes voulaient évoluer et s’étaient souvent publiquement engagés à réduire leurs émissions. «Mais une fois l’engagement pris, il faut un plan d’action, explique Rachel Delacour. C’est là qu’ils étaient totalement perdus, parce qu’ils ne savaient pas par où commencer.»

Une fois l’engagement pris, il faut un plan d’action. C’est là qu’ils étaient totalement perdus.

Pour une grande entreprise, il est possible de commander un audit à grande échelle à des consultants externes. Le défi, c’est de continuer à suivre et de gérer les émissions dans la durée et de façon régulière, car c’est la seule façon d’avoir un véritable impact. «Si on ne l’automatise pas, c’est très compliqué, incroyablement cher et extrêmement chronophage», souligne-t-elle. Les entreprises sont des organismes vivants, qui évoluent sans cesse. Or, le problème des émissions doit être traité à l’échelle de l’entité et de sa chaîne logistique. «Et pour ça, il faut de la technologie.» 

C’est ainsi qu’avec Raphaël Güller et Yannick Chaze, Rachel et Nicolas ont fondé Sweep en juin 2020 pour répondre à ce besoin. Date de lancement: avril 2021. Si leur bébé est tout jeune, Rachel s’est appuyée sur l’expérience acquise au lancement et à la cession de BIME Analytics, ainsi que sur son carnet d’adresses, pour gagner la confiance des investisseurs et des clients. «Ils savent d’où on vient», souligne-t-elle. La sécurité des données et la confidentialité sont deux enjeux phares. La plupart du temps, après un premier rendez-vous téléphonique avec le prospect (souvent le directeur général), c’est le directeur technique qui s’entretient avec Sweep. C’est là que le passé (et le fait que Sweep possède la certification SOC 2, qui atteste de la bonne gestion des données des clients) de Rachel et Nicolas prend toute son importance. «L’entreprise est jeune, mais pas l’équipe, et notre expertise dans les données et le carbone est très rassurante.» 

Pour Rachel Delacour, jeunesse doit rimer avec hardiesse. «Nous n’avons que dix ans devant nous pour essayer de modifier la trajectoire climatique», indique-t-elle. Pour sa première année d’existence, Sweep a donc décidé de concentrer ses efforts sur les «grands émetteurs», une approche qu’elle qualifie de top-down, qui part des grandes entreprises pour aller vers les petites. L’avantage des grandes sociétés, c’est qu’elles sont souvent très réglementées, donc elles ont déjà des politiques et des stratégies climatiques très poussées. Et, c’est du moins ce qu’espère Rachel Delacour, la démarche devrait influencer les très nombreuses PME qui appartiennent à leurs chaînes logistiques. 

Le financement joue, forcément, un rôle important dans la stratégie de croissance rapide de Sweep. En décembre 2021, l’entreprise a annoncé avoir levé USD 22 millions grâce à un financement de série A mené par Balderton Capital, spécialiste européen du venture capital. En moins d’un an d’existence, la jeune pousse a donc levé USD 27 millions. Que va-t-elle faire de cet argent? «On veut étoffer notre équipe de mise sur le marché et améliorer notre plateforme», explique Rachel Delacour. Même si Sweep compte plusieurs clients américains et vient de réaliser son premier recrutement outre-Atlantique, l’Europe reste sa priorité, «parce que c’est là qu’est la demande et que, réglementation oblige, les entreprises sont le plus sensibles au sujet». 

Rachel Delacour rêve que, d’ici quelques années, Sweep soit adoptée par des secteurs très polluants et montre sa pertinence à l’échelle mondiale. «J’aimerais pouvoir dire qu’un secteur a réussi à réduire ses émissions et à s’intégrer à une économie sobre en carbone parce que les entreprises qui en font partie ont adopté Sweep pour cartographier et connecter leurs chaînes logistiques», résume-t-elle. 

C’est une manière d’engager notre responsabilité, d’être sûr qu’on est sur la bonne voie en interne.

Quant à l’avenir actionnarial de l’entreprise, elle estime qu’il vaut mieux rester non cotée p our le moment. Traditionnellement, l’objectif de l’introduction en bourse est d’injecter beaucoup d’argent d’un coup, «mais la donne a totalement changé aujourd’hui», explique-t-elle. «On peut lever les mêmes montants sur le marché du non-coté.» Elle ne redoute pas particulièrement de perdre le contrôle total de Sweep, d’une part parce qu’elle a dès le départ choisi avec soin ses partenaires financiers, et d’autre part parce qu’elle a pris des mesures pour protéger l’entreprise d’un changement de direction. Membre du réseau B Corp, Sweep est aussi une «société à mission», terme juridique français qui signifie que sa raison d’être ne peut pas être modifiée. «C’est une manière d’engager notre responsabilité», affirme-t-elle. D’être sûr qu’on est sur la bonne voie en interne, mais aussi pour des questions de transparence, parce que ça permet à nos partenaires financiers de savoir dans quoi ils investissent.» 

De son expérience chez Zendesk, entrée en bourse en 2014, Rachel Delacour retient, de la conformité à la communication, les tensions et les difficultés générées par le fait d’être cotée. Mais elle n’y renonce pas pour autant pour Sweep, notamment parce qu’elle considère que c’est un formidable porte-voix pour le message de l’entreprise, un message des plus impérieux. «Ce serait fou, conclut-elle, qu’un spécialiste des technologies climatiques montre au monde qu’on peut créer autant de valeur pour les investisseurs, les partenaires financiers et les salariés tout en réduisant les émissions.»

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