La technologie peut nous épauler, mais rien ne remplace l’humain
Qu’est-ce qui vous a poussée à étudier l’économie et la finance?
J’ai toujours été passionnée par l’économie, et j’ai eu la chance d’avoir des enseignants passionnants. Après ma licence, j’ai hésité à faire mon droit, puis j’ai réalisé que ce ne serait pas forcément possible d’exercer à l’étranger. Je me suis dit qu’une école de commerce m’offrirait davantage de débouchés. Et j’ai opté pour la finance parce que l’importance des chiffres est universelle. En parallèle, j’ai toujours beaucoup aimé les gens, donc je savais que ma carrière passerait par le fait de rencontrer des clients et de forger des relations, et que jongler avec des chiffres ne me suffirait pas.
Quelle qualité vous a été utile tout au long de votre carrière?
L’adaptabilité. Comme le reste du monde bancaire et financier, l’asset servicing évolue au rythme de la technologie, de la géopolitique et de l’économie, et donc très vite. Notre rôle de prestataire nous oblige à nous adapter rapidement au changement et à anticiper les besoins des clients. La concurrence est rude, donc il faut afficher ses forces et se perfectionner jour après jour..
Parlez-nous de l’activité de PAS en Asie et du contexte local.
Nous gérons actuellement environ CHF 12 milliards d’actifs pour des clients institutionnels, dont des gérants d’actifs, des multi-family offices, des fonds de dotation et des fonds de pension. Nous leur proposons une gamme complète de solutions d’asset servicing (fund servicing, global custody, etc.) depuis nos deux plateformes principales que sont Singapour et Hong Kong
Les clients sont désireux de diversifier le panel de banques avec lesquelles ils travaillent. Historiquement, leur préférence allait aux établissements américains, mais ils se tournent de plus en plus vers les banques suisses en raison, notamment, des inquiétudes qui entourent la stabilité géopolitique.
Compte tenu de son emplacement et de sa réglementation, Hong Kong intéresse depuis longtemps les gérants, notamment pour les introductions en bourse et les levées de fonds. Sa proximité avec la Chine constitue également une source d’opportunités d’investissement très intéressantes. De son côté, grâce à une fiscalité avantageuse, à une amélioration du contexte réglementaire et à une démarche pro-entreprise de la part des autorités, Singapour s’est imposée comme l’une des destinations phares des family offices ces cinq à dix dernières années. Je travaille en étroite collaboration avec les collègues d’autres lignes de métier, et je fais des allers-retours entre les deux villes pour rencontrer des clients. Chacune a ses propres forces et une dynamique de marché unique, ce qui nous offre de nombreuses possibilités.
Quel est le potentiel de croissance de l’asset servicing en Asie?
Nous avons constaté qu’en Asie, les clients étaient de plus en plus désireux de diversifier le panel de banques avec lesquelles ils travaillent. Historiquement, leur préférence allait aux établissements américains, mais ils se tournent aussi de plus en plus vers les banques suisses en raison des inquiétudes qui entourent la stabilité géopolitique à long terme et l’avenir du dollar. Ils se demandent si les Etats-Unis resteront un pays sûr, et nombreux sont ceux qui préfèrent désormais se limiter à deux banques américaines. La Suisse bénéficie d’une image de stabilité et de neutralité, comme Singapour. Ce sont d’ailleurs deux destinations très prisées en Asie pour leur fiabilité. Le fait d’être une banque suisse installée à Singapour nous permet de nous démarquer et de toucher des clients qui n’auraient pas forcément pensé à nous.
“Le fait d’être une banque suisse installée à Singapour nous permet de nous démarquer et de toucher des clients qui n’auraient pas forcément pensé à nous.” — Amy Lau
Dans un entretien accordé à Wealth Briefing, vous évoquez le système des VCC singapouriennes. Comment s’intègre-t-il à votre activité?
Le système de «variable capital company», ou VCC, est relativement récent, puisqu’il a été introduit en 2020 par les autorités singapouriennes. Son objectif est d’accompagner la transmission de patrimoine, la gouvernance et l’implication des jeunes générations dans les family offices. Les VCC offrent une structure réglementée mais souple, avec des avantages fiscaux, ce qui les rend intéressants pour les investisseurs asiatiques, mais aussi internationaux. Conjuguant les points forts des fonds qui existent au Luxembourg et dans les îles Caïman, ils peuvent être proposés de la même façon que les structures luxembourgeoises.
Les VCC font désormais partie intégrante de la stratégie de développement de notre activité de fonds d’investissement en Asie. Nous prenons le temps d’expliquer leurs avantages aux clients et de les aider à mettre en place des solutions qui répondent à leurs besoins. Hong Kong propose des dispositifs similaires, mais nous nous concentrons actuellement sur les VCC, dont on parle énormément dans la région.
Qu’est-ce qui distingue Pictet de ses concurrents?
Sa solidité financière et son indépendance. Le fait de ne pas avoir d’actionnaires qui exigent des performances à court terme nous permet de nous inscrire dans la durée et de créer de la valeur, pour nos clients et pour la Banque. Notre objectif n’est pas de vendre des produits, mais de comprendre les besoins de nos clients et de les accompagner dans leur croissance.
La stabilité des équipes est un élément qui fait la différence. Nos clients apprécient de garder le même interlocuteur dans la durée, car c’est rarement le cas dans l’industrie de la finance.
Ils apprécient d’ailleurs le fait que nous fassions ce que nous savons faire (de la gestion de fortune et d’actifs) sans nous éparpiller dans des domaines où nous ne sommes pas des experts. Nos associés sont également très présents: ils se rendent régulièrement en Asie pour rencontrer les clients ou les reçoivent à Genève. Cet engagement est très apprécié et nous distingue de bon nombre d’établissements financiers. Les clients nous disent régulièrement à quel point ils sont heureux de rencontrer nos associés et à quel point la continuité compte pour eux.
Enfin, la stabilité des équipes est un élément qui fait la différence. Nos clients apprécient le fait d’avoir le même interlocuteur dans la durée, car c’est rarement le cas dans le secteur, surtout en Asie. Gage de confiance, cette stabilité nous permet de forger des relations solides, qui s’inscrivent dans le temps. La preuve: certains de nos clients ont choisi Pictet il y a plus de trente ans, et sont toujours là. Qu’ils soient récents ou anciens, nous servons nos clients avec les mêmes principes, les mêmes valeurs et la même vision.
Selon vous, quel impact la technologie, IA incluse, a-t-elle sur l’activité?
Si l’on veut rester compétitifs, la technologie est essentielle, surtout en matière d’efficacité opérationnelle et d’automatisation. L’IA et les outils numériques peuvent nous aider à rationaliser les processus, à réduire les coûts et à nous concentrer sur ce qui compte le plus: créer de la valeur pour nos clients. Cela étant, notre métier repose avant tout sur la confiance et les relations interpersonnelles. La technologie peut nous épauler, mais rien ne remplace l’humain.
Nos clients attendent de l’efficacité, certes, mais aussi une oreille attentive. Il faut donc réussir à surfer sur la vague technologique sans perdre les qualités qui définissent Pictet: la confiance, la discrétion et la volonté de comprendre les besoins de nos clients.
Avez-vous récemment lu un livre qui vous a marquée?
Oui, celui que je viens de terminer: “Une vie bien remplie”, d’Indra Nooyi, l’ancienne directrice générale de PepsiCo. Son parcours donne à réfléchir. Américaine née en Inde, patronne d’un grand nom de l’Amérique, elle a fait preuve de persévérance, de résilience et de rigueur pour surmonter les nombreux obstacles qui se sont dressés sur son chemin. Bien avant Internet et les smartphones, elle a réussi à avoir une carrière épanouissante tout en élevant ses deux filles. Mais j’ai surtout été impressionnée par son humilité et son envie d’aider les jeunes femmes à équilibrer vie professionnelle et vie privée, ce qui me parle beaucoup – c’est d’ailleurs l’une des raisons de mon enthousiasme vis-à-vis du réseau des femmes de Pictet. Accompagner les femmes et les aider à avancer, c’est un sujet qui compte beaucoup pour moi, aussi bien au sein de la Banque qu’en dehors.
Who has been a source of inspiration for you?
Mes parents, avant tout. Ils m’ont appris la rigueur, la fierté du travail bien fait, l’intégrité et le respect: je leur en serai éternellement reconnaissante. Mon époux, ensuite. Nous sommes mariés depuis 23 ans: c’est un partenaire dont le soutien est précieux. Il est lui aussi originaire de Hong Kong, mais nous nous sommes rencontrés aux Etats-Unis. Ensemble, on parle de tout: des enfants et de la famille, bien sûr, mais aussi de travail ou d’actualité.
Sur le plan professionnel, j’ai eu la chance d’avoir des managers qui, grâce à leur vision, leur rigueur, leur constance et leurs conseils, m’ont fait évoluer, personnellement et professionnellement. Je leur en suis infiniment reconnaissante.