Charles Bourloud: partir de zéro et viser le sommet du Kilimandjaro

Charles Bourloud: partir de zéro et viser le sommet du Kilimandjaro

«Abandonner n’a jamais été une option.» À 5400 mètres d’altitude, Charles Bourloud halète dans l’obscurité, posant un pied devant l’autre et progressant tant bien que mal vers le sommet du Kilimandjaro, dans la poussière, les cailloux et la boue gelée. Il se sent faible, son cœur bat à tout rompre dans ses oreilles. Et soudain, la nausée monte.

Il n’avait jamais repoussé ses limites aussi loin, ce qui en dit long vu son parcours: sportif né qui dévalait les pistes de ski avant même de savoir compter, Charles a joué au football à haut niveau pendant la majeure partie de son enfance et de sa jeunesse. Il a toujours été porté par l’esprit de compétition et d’équipe, dans sa vie personnelle comme dans sa vie professionnelle: «Je rêvais de remporter des championnats et des grands titres au travail.»

Mais en 2022, à 31 ans, alors qu’il abordait une nouvelle saison de foot, il a reçu une nouvelle dévastatrice. Ce qui semblait au départ être une blessure au genou liée au sport a bouleversé sa vie du jour au lendemain: il avait un cancer. Et cette forme était si rare que les traitements n’avaient pas évolué depuis 35 ans, faute de financements pour la recherche.

Malgré un pronostic défavorable et plusieurs revers en cours de traitement, l’optimisme indéfectible de Charles l’a fait tenir bon. «J’aime les chiffres, je suis cartésien. Cela dit, quand les statistiques ne sont pas en ma faveur, je préfère me concentrer sur les exceptions. Je suis convaincu que le mental peut changer la donne.» 

«Ce qui m’a aidé, c’est de prendre les choses un jour après l’autre et de fêter chaque petite victoire, comme terminer une chimio ou éviter d’attraper le covid.» Sa famille et son cercle d’amis proches ont aussi largement contribué à sa guérison, par des visites, des sourires, leurs bonnes ondes et leur énergie. 

Le groupe est arrivé uni au pic Uhuru, le sommet du Kilimandjaro

Finalement, après plusieurs chimiothérapies et une lourde opération qui a nécessité l’ablation de son genou droit et de plusieurs morceaux d’os, Charles a été déclaré en rémission. Il ne lui restait plus qu’à reprendre sa vie où il l’avait laissée quelques mois plus tôt… mais avec une prothèse du genou et en sachant que rien ne serait plus jamais comme avant. «J’ai sous-estimé à quel point ça pèserait sur mon quotidien. Je dois gérer la douleur, éviter certaines activités, comme la course à pied et, de manière générale, être beaucoup plus prudent. Je suis plus à risque si je tombe malade ou si je me blesse.»

Ce qui nous ramène à son ascension du point culminant de l’Afrique, à 5895 mètres au-dessus du niveau de la mer. C’est une amie proche qui lui a soufflé l’idée, alors que Charles lui avouait qu’il avait du mal à se sentir tout à fait lui-même, deux ans après sa rémission. Elle lui a proposé de rejoindre le groupe qu’elle formait avec sept autres personnes pour escalader le Kilimandjaro. Il serait en bonne compagnie: le défi avait une forte dimension symbolique pour tous les membres du groupe, qui étaient en deuil d’un proche ou récupéraient d’une maladie ou d’une blessure.

Immédiatement convaincu par l’idée, Charles s’est saisi de l’occasion pour faire de l’aventure quelque chose d’encore plus grand: il voulait récolter des fonds au profit du projet de recherche mené par son oncologue sur le cancer rare qu’il avait eu. Après de longues réflexions, il a également décidé de filmer l’ascension pour sensibiliser en plus de lever des fonds. De ce fait, en partageant son histoire, il voulait prouver aux personnes atteintes d’un cancer que la vie ne s’arrête pas à leur maladie. Après avoir obtenu le feu vert de ses médecins, Charles a eu seulement un mois pour se préparer au grand départ. «Quand j’ai commencé l’entraînement, j’étais au plus bas de ma forme. J’ai dû passer à la vitesse supérieure rapidement, alors je me suis mis à la nage et au vélo et j’ai énormément marché. J’ai même fait quelques séances dans une salle d’hypoxie pour simuler l’altitude.» 

À sa grande surprise, les premiers jours de randonnée se sont bien passés. Le trek a commencé dans une forêt luxuriante, où l’air était chaud et humide. Le groupe progressait de 5 à 10 kilomètres par jour avec 1000 mètres de dénivelé positif, avant d’installer le campement et de passer la soirée ensemble, à manger, jouer aux jeux de société et discuter. «Partager nos histoires et nos difficultés personnelles nous a tous rapproché. On a ri ensemble, on s’est motivés et on a pris soin les uns des autres.»

À cause de sa prothèse, Charles ne peut pas plier son genou comme il faut. Par conséquent, des mouvements et des situations ordinaires, comme mettre ses chaussures, s’accroupir pour entrer dans sa tente ou s’asseoir dans un petit espace, se sont transformés en défis auxquels il a dû apprendre à s’adapter. 

La progression devenait de plus en plus difficile à mesure qu’ils approchaient du sommet. Si l’ascension du Kilimandjaro ne nécessite pas de compétences techniques d’alpinisme, il faut en revanche avoir une très bonne condition physique et la capacité de s’adapter à l’altitude: à 3500 mètres, l’oxygène se raréfie au point de poser un risque vital, en particulier si l’ascension est trop rapide.

Je suis toujours aussi ambitieux, mais je gère mieux les attentes: je me sens plus apaisé, quel que soit le résultat, parce que je sais que l’expérience me fera grandir.

Au fil des jours, les arbres ont laissé place à de petits buissons, du gravier, et finalement, de la neige. Le sixième – et dernier – jour de l’ascension, le groupe a quitté son campement à minuit. Certains avaient déjà des maux de tête et des nausées depuis un moment, mais ce n’est qu’à 5400 mètres que Charles s’est vraiment trouvé en difficulté. Son état s’est aggravé au point qu’il a vécu une dissociation. «Je me suis vu marcher et j’ai commencé à sangloter de manière incontrôlable.» Pourtant, il s’est forcé à continuer.

Déterminé à atteindre le sommet avec le reste du groupe, Charles a fini par accepter d’utiliser ses bâtons de marche pour gravir les cent derniers mètres. Il était même prêt à poser son sac par terre et à ramper s’il le fallait. Finalement, le groupe est arrivé ensemble au pic Uhuru, le sommet de la montagne. C’était un moment très intense – le sentiment de boucler la boucle, la douleur, la joie et toutes les autres émotions – qui a semblé durer une éternité. «Tout le monde était très ému. On s’est embrassés, on a pleuré, et pris un million de photos.» 

Au départ, Charles souhaitait être une source d’inspiration pour d’autres. Mais en cours de route, il s’est rendu compte qu’il voulait surtout se prouver à lui-même qu’il avait vaincu la maladie et que la vie lui réservait encore beaucoup de belles choses. «Après mon cancer, je me suis posé beaucoup de questions sur ce que je voulais faire de mon avenir.» Rester proche de sa famille et de ses amis et être moins stressé par rapport à son travail ont été des premiers éléments de réponse. «Je suis toujours aussi ambitieux, mais je gère mieux les attentes: je me sens plus apaisé, quel que soit le résultat, parce que je sais que l’expérience me fera grandir.»

Grâce aux publications régulières sur son compte Instagram @brutalcancer, Charles a récolté CHF 20 000 pendant son périple et depuis son retour. Il continue de sensibiliser et de récolter des fonds durant son temps libre en intervenant dans des conférences. Il prévoit aussi de diffuser le documentaire sur son ascension à la fin de l’année sur les réseaux sociaux. 

Parmi ses prochaines idées folles, il réfléchit à faire un sommet de 8000 mètres et à raconter son histoire dans un livre. «Il n’y a pas de honte à en parler. Trop souvent, la maladie est vue comme une faiblesse, alors qu’elle peut être le déclencheur d’une immense force.»

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