Nicolas Lehmann

Nicolas: 99 heures de course en montagne… et forcé de ralentir.

Quatrième nuit de course. Les vents sont déchaînés, il fait nuit noire, et Nicolas est à 2600 mètres d’altitude sur une arête à peine plus large que lui, avec 200 mètres d’à-pic de chaque côté. Il n’a dormi que six heures ces quatre derniers jours… Avec son ami Victor, ils sont les favoris de la «Petite Trotte à Léon» (PTL), course d’ultra-trail autour du Mont-Blanc, le plus haut sommet d’Europe, et course réputée pour être l’une des plus difficiles du monde. 

Nicolas s’est mis à la course à pied il y a dix ans. «Comme beaucoup de gens, j’ai commencé à courir pour garder la forme, et aussi pour perdre quelques kilos...» Un jour, il a été «recruté» par des collègues de Pictet comme quatrième coureur en vue d’un trail à Annecy, en France, mais tout près de Genève. «Malheureusement, la course a été annulée. A cause de la neige. Mais en fait j’y avais déjà pris goût, et je me suis mis à chercher une autre course.»

Quelques semaines plus tard, Nicolas courait son premier marathon en montagne. «C’était vraiment un pas de géant par rapport à mes entraînements habituels, de 10 à 15 kilomètres. J’ai terminé en 7 heures, épuisé.» Mais dès le lendemain, il partait à la recherche du prochain défi. 

Pour un coureur amateur, il faut généralement plusieurs années de préparation avant de faire son premier ultra. Pourtant, en moins de 12 mois, Nicolas arrivait à tenir pas moins de 80 kilomètres de course, soit l’équivalent de près de deux marathons, avec plusieurs milliers de mètres de dénivelé positif. «Avec le recul, j’ai augmenté les distances trop vite… et je me suis blessé.» Syndrome rotulien, aponévrosite plantaire, syndrome de l’essuie-glace, tendinite… il a connu presque toutes les blessures classiques chez les coureurs. «Mais chaque fois que je me retrouvais en montagne, avec ces paysages à couper le souffle, c’était le bonheur.»

Avec l’expérience, Nicolas a appris l’importance du repos et de concilier entraînement, renforcement musculaire et alimentation. «Je me lève tôt et je cours le soir au lieu de regarder la télé.» Il complète ses entraînements hebdomadaires par des séances de renforcement et de gainage en salle, et consulte régulièrement un ostéopathe et un physiothérapeute du sport. Le week-end, il enfourche son vélo ou pratique l’escalade (souvent avec cordes, crampons et piolet) et, en hiver, le ski de randonnée. S’il est réveillé, mais pas au travail, il est en train de courir. 

Les pros ont des contraintes, du sponsoring aux réseaux sociaux, en passant par des calendriers très serrés. J’ai de la chance de courir à 100% pour le plaisir.

Ce qui nous amène au lundi 28 août 2023 à 7 h 59 précisément. Cent équipes, dont celle de Nicolas et de Victor, attendent sur la ligne de départ de la PTL (la version longue du célèbre Ultra-Trail du Mont-Blanc) à Chamonix. Elles frissonnent déjà à cause de la pluie et des vents violents. A 8 heures tapantes, les équipes s’élancent. Après seulement quelques ascensions, le duo doit faire face à une neige exceptionnellement fraîche pour la saison et utiliser les crampons, pour éviter de glisser le long des parois rocheuses. Le troisième jour, les stigmates des avalanches sont bien visibles.

Pendant trois jours, ils progressent avec régularité, en dormant 90 minutes par 24 heures, alors que d’autres équipes abandonnent au fur et à mesure (seules 57 équipes franchiront la ligne d’arrivée). Pendant une course comme celle-là, on peut brûler plus de 10 000 calories, et remplir ses réservesd’énergie est parfois compliqué. «Les apports caloriques deviennent une priorité. Je mange tout ce qui est donné aux ravitaillements: bouillon, bonbons, et même de la raclette!»

Quatrième soir, le moment clé de la course, quand les deux hommes atteignent l’arête des Grandes Otanes, à découvert. Nicolas reçoit alors un appel des organisateurs (les participants doivent obligatoirement avoir leur téléphone pendant toute la course). Attention, il faut s’éloigner de l’arête. Aucune corde fixe n’a encore été installée. «Mais nous étions déjà sur place, avec 200 mètres d’à-pic de chaque côté! En plus, la roche était moins stable à cause des fortes pluies, et on avait du mal à tenir debout avec le vent. Impossible d’attendre...» Ils poursuivent donc sur le chemin non balisé. Sans aucune marge d’erreur, Nicolas part, revenant parfois à son point de départ, en quête de la meilleure voie pour lui et son ami Victor, moins expérimenté techniquement sur ce genre de terrain. «Le lendemain, ils ont modifié l’itinéraire pour que les autres
coureurs puissent contourner ce passage.»

La ligne d’arrivée approche, mais Nicolas et Victor vont… trop vite! Alors qu’il ne leur reste que 1200 mètres, les organisateurs demandent au binôme de ralentir pour que les commissaires de course et les supporters soient là pour les accueillir. «On a pris une pause de 30 minutes autour d’un café au Tennis Club de Chamonix!» Après une conversation sympathique avec des inconnus curieux de savoir ce qu’ils faisaient, les deux hommes savourent leur dernier kilomètre et sont accueillis par une foule en liesse. Nicolas et Victor ont terminé avec 5 heures et 43 minutes d’avance sur la deuxième équipe (pour un temps total de 99 heures et 33 minutes, très précisément).

Depuis, le sourire ne quitte plus les lèvres de Nicolas. Il vit probablement sa meilleure saison à ce jour. En plus de la PTL, il a aussi remporté l’Eiger 250 km, trail autour du sommet de l’Eiger en Suisse centrale, et l’Ultra Tour du Mont Ventoux (170 km). Il a également terminé deuxième de l’Ecotrail de Genève (80 km) et du Trail de Haute Provence (170 km). Alors, se verrait-il passer pro? «Les pros ont des contraintes, du sponsoring aux réseaux sociaux, en passant par des calendriers très serrés. J’ai de la chance de courir à 100% pour le plaisir.»

Son prochain objectif? Une course de 660 km en Suisse, qui fait le tour du Valais, la Diagonale des Fous à la Réunion, ou peut-être un ultra-trail autour du mont Fuji au Japon. Nicolas a beaucoup de rêves et il espère bien tous les réaliser.

De mon côté, je vais aller le suivre sur Strava. S’il peut courir 300 kilomètres, je peux sûrement moi aussi en courir quelques-uns.

Quand il n’est pas en train de courir, Nicolas est Domain Manager chez Tech&Ops.

Le trail en bref

L’ultra-trail, qui était auparavant une discipline de niche, a vu sa popularité exploser ces dernières années. Les trails se déroulent sur des terrains variés, souvent dans des zones montagneuses ou sauvages, et peuvent durer plusieurs jours. On parle d’ultra-trail quand la distance dépasse 80 km. Des événements comme l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB) et les vidéos vertigineuses partagées par des «sky runners» comme Kilian Jornet ont contribué à l’essor de la discipline.

Les 3 conseils de Nicolas pour la course d’endurance 

  1. Fixez-vous des objectifs intermédiaires pendant les courses longues: le prochain col ou le prochain ravitaillement, la prochaine ascension ou la prochaine descente. Les courses d’endurance, c’est 50% le physique et 50% le mental.
  2. Mangez assez. Les fruits secs et les noix, c’est un snack idéal.
  3. Partez léger. Les essentiels pour une course de trail sont l’eau (et des électrolytes pour les courses plus longues), un smartphone pour la sécurité, une lampe torche et quelques en-cas bien caloriques, comme de la compote de châtaignes.
Confirm your selection
En cliquant sur "Continuer", vous acceptez d'être redirigé vers le site web local que vous avez sélectionné pour connaître les services disponibles dans votre région. Veuillez consulter les mentions légales pour connaître les exigences légales locales détaillées applicables à votre pays. Vous pouvez également poursuivre votre visite en cliquant sur le bouton "Annuler".

Bienvenue chez Pictet

Vous semblez vous trouver dans ce pays: {{CountryName}}. Souhaitez-vous modifier votre position?